Les difficiles inventaires des biens des églises

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La loi de séparation des Églises et de l’État de 1905 dissout les établissements du culte et prévoit le transfert de leurs biens vers des associations cultuelles qui doivent se constituer pour assurer l’exercice du culte, conformément à la loi du 1er juillet 1901. C’est pourquoi les agents de l’administration des Domaines reçoivent pour mission d’inventorier les biens mobiliers et immobiliers de ces établissements qui avaient depuis le Concordat de 1801 le statut d' "établissements publics du culte".
Les inventaires sont dressés en 1906 pour les fabriques des églises et les conseils presbytéraux protestants. Les biens leur appartenant en propre sont recensés sur les pages de gauche et ceux de l’État, des départements et communes, mis à leur disposition, sur les pages de droite.
Pour chaque église, deux inventaires peuvent être effectués, le premier concernant la fabrique (assemblée chargée de l'administration de la paroisse et de la gestion de ses biens) et le second, plus rare, la mense curiale (revenus du curé destinés à assurer ses dépenses personnelles et pastorales).
Influencés par l'hostilité du pape Pie XI envers la loi de 1905, de nombreux catholiques s'opposent à la réalisation de ces inventaires. Des lettres sont donc parfois insérées.

À Lablachère, le 9 février 1906, à 9 heures, au moment où le receveur de l’Enregistrement frappe à la porte du presbytère « on s’est mis à sonner le tocsin et aussitôt Monsieur le curé de Lablachère est sorti de l’église, suivi d’une foule de quatre cents personnes environ qui nous a aussitôt entouré ».

Après avoir réclamé le silence, le curé de Lablachère lit sa protestation dans laquelle il « refuse de faciliter, de favoriser un inventaire qui n’a et ne peut avoir un autre but que de connaître, d’apprécier la valeur des biens sacrés de l’église, de savoir où ils sont pour les prendre quand le moment en sera venu », « déclare que la force seule pourra avoir raison de mon opposition, qui est formelle et bien réfléchie ».
Le curé refuse catégoriquement de laisser entrer le receveur qui considérant qu’il ne peut remplir sa mission, se retire après avoir fait connaître au curé qu’il reviendrait à une heure de l’après-midi pour procéder à l’inventaire des biens de la fabrique paroissiale. Le curé se tourne alors vers les assistants et leur dit « Vous entendez à une heure l’inventaire de l’église. Catholiques ! Je vous convoque à cette heure pour faire votre devoir ». Aussitôt la foule pousse des cris « Vive la liberté ! A bas les voleurs ! » huant le receveur.
L’inventaire se fait finalement à une heure de l’après-midi en l’absence du curé…