De la machine aérostatique à la montgolfière : deux Ardéchois à la conquête de l’air
Le 14 décembre 1782, une première mondiale eut lieu dans les contrées du Pays de Vivarais, à Annonay, au lieu-dit Vidalon. Deux frères, Étienne et Joseph Montgolfier réalisent avec succès le premier essai d’un vol de ballon rempli d’air chaud, dans la cour de leur manufacture. Étienne Montgolfier et son frère Joseph mènent alors depuis plusieurs mois des recherches afin de concevoir un engin capable de s’élever dans les airs et de s’y maintenir. Ils ne sont pas les seuls à se lancer dans une telle recherche. D’autres scientifiques ont entrepris des recherches similaires, en travaillant sur les propriétés de l’hydrogène par exemple, mais Étienne et Joseph Montgolfier seront les premiers à faire voler leur ballon.
Leur découverte ne doit rien au hasard. Etienne et Joseph Montgolfier sont les fils de Pierre Montgolfier, patriarche de la manufacture de papier éponyme annonéenne. Esprit ingénieux et novateur, Étienne a même perfectionné certains procédés au sein de l’usine familiale.
L’histoire veut que c’est en lisant les nouvelles du siège de Gibraltar devant sa cheminée que l’idée est venue à Joseph Montgolfier d’emprisonner cet air chaud dans une enveloppe pour que celle-ci puisse s’élever comme la fumée dans l’âtre. Il bricole rapidement une petite enveloppe de taffetas qui, en effet, rejoint le plafond en quelques instants. Nous sommes en novembre 1782, à Avignon où se trouve Joseph. Aussitôt il écrit à son frère Étienne resté à Vidalon, qui tente lui-aussi la même expérience, avec le même résultat. Dès lors, ils se mettent au travail pour perfectionner leur prototype.
Maîtrisant les dernières découvertes scientifiques de ce siècle des Lumières en matière de physique, les deux frères connaissent également toutes les propriétés techniques du papier, à la fois léger et résistant. Après plusieurs tentatives, ils réalisent un véritable « ballon » capable de s’élever dans les airs. La première expérience, privée, a lieu dans la cour de la papeterie familiale de Vidalon. C’est un succès. Dès cette première étape, ils entrevoient les multiples usages qu’une telle innovation pourrait permettre.
Ce premier vol privé n’ayant malheureusement pas laissé de traces dans les archives publiques, l’évènement nous est connu par les archives familiales et les nombreux ouvrages retraçant l’histoire de l’invention de la montgolfière. Marie-Hélène Reynaud, spécialiste de l’histoire de la famille Canson-Montgolfier, retranscrit dans son ouvrage Une histoire de papier, les papèteries Canson et Montgolfier, la lettre qu’envoie, à la suite du premier vol, Étienne à Nicolas Desmarets, de l’Académie des sciences, entrevoyant déjà les applications concrètes de cette machine : elle « pourrait être utile pour donner des signaux sur terre, faire passer des avis dans une ville assiégée par-dessus des lignes de circonvollation [sic], faire des expériences sur l’électricité des nuages ».
D’autres tentatives sont réalisées ensuite avec le même succès des premières expériences privées. Face aux inquiétudes que suscitent leurs expériences et les rumeurs de sorcellerie qui commencent à poindre parmi la population, Étienne et Joseph comprennent que leur découverte doit être rendue publique. Une démonstration est donc programmée en juin 1783, à Annonay, devant l’Assemblée des États du Vivarais qui s’y réunit. Cette manifestation va se révéler capitale pour la reconnaissance de leurs travaux et la suite de l’aventure. Mais c’est une autre histoire que nous vous conterons dans un prochain épisode…