Actualités historiques (pour mieux vivre le confinement)
Le 16/04/2020 Actualités courantes
Avant que l’épidémie du covid-19 ne se déclenche avec les conséquences que l’on connait, l’actualité nationale déroulait son lot de débats, de réflexions, d’articles et de polémiques sur tous les sujets du moment, parmi lesquels les élections municipales 2020. Elles étaient le sujet d’interrogations. Alors que la commune, cellule de base de notre démocratie, est le théâtre d’affrontements démocratiques dans des élections très disputées, avec la préparation des listes, les réunions publiques, la presse relate une certaine atonie. Rien ne se passe comme d’habitude ou presque. Depuis quelques mois la presse locale relaye le manque de candidats pour constituer les listes, pire le risque de voir des communes sans candidats. Des élus jettent l’éponge, épuisés par des procédures de plus en plus complexes, l’agressivité de citoyens, des budgets en baisse. D’autres maires sont obligés de se représenter pour éviter d’être parmi les 106 communes en France sans candidats au 1er tour. Ces élections seraient-elles touchées par le désintérêt des citoyens pour la démocratie représentative et plus généralement par la politique ?
Alors resurgit l’éternel débat du trop-plein de communes, 34 967 le record européen, trop petites, trop pauvres, trop esseulées… Que font nos politiques ? La consultation des archives démontrent que l’Etat, qu’il soit impérial, royal ou républicain, a tout fait pour en réduire le nombre. Les spécialistes des institutions en parlent comme d’une « maladie chronique » qui a reçu différents « traitements » depuis des lustres.
Un premier processus de réduction du nombre de communes est engagé au cours du XIXe siècle. De 1789 à 1851, la France passe de 40 000 communes au fameux nombre de 36 000.
Délibérations de communes sur des projets de fusion en 1823 (1 M 283).
L’Ardèche n’échappe pas à ce mouvement. Qui se souvient des communes de Balbiac-le Haut, Creyssac, Chames, Saint-Marcel-de-Crussol, ou encore Royas disparues dans les années 1820 ? Aujourd’hui, elles sont des quartiers et hameaux respectivement de Rosières, Rompon, Vallon-Pont-d’Arc, Saint-Georges-les-Bains et Saint-Laurent-du-Pape. Bressac commune fusionnée en 1825 a réussi à ajouter son nom à celui de Saint-Lager. Des dossiers, conservés aux Archives départementales sous les cotes 1 M 283 à 285, nous livrent comment le conseil général, le préfet et les sous-préfets dressèrent des plans de fusion dès 1808. Les raisons relevées pour les justifier seront souvent les mêmes. Une faible population, une situation financière qui ne permet pas à la commune de remplir ses compétences comme l’entretien des chemins, bâtiments communaux, fontaines, tenue de l’état civil et autres tâches administratives. Et la difficulté à trouver des citoyens suffisamment instruits pour faire vivre la commune est aussi un motif récurrent. En 1823, une trentaine de communes est interrogée sur leur capacité d’accomplir leurs compétences et invitée à réfléchir sur une fusion avec une commune voisine. Le gouvernement de Charles X serait-il tenté de les imposer ? A une époque où maires et conseillers municipaux ne sont pas élus, mais désignés par le gouvernent parmi les élites locales, il ne parait pas dans les intentions du gouvernement de vouloir brusquer les décisions, même si le préfet enjoint à ses sous-préfets de tout faire pour convaincre les élus ruraux, notamment par des déplacements en communes. Finalement le bilan est maigre.
De tous ces projets, 6 fusions sont réalisées auxquelles il faut rajouter celle de Saint-Bauzile avec Chomérac… qui se sépareront en 1852.
Propositions de fusion présentées par le sous-préfet de Largentière en 1823 dont certaines réalisées à l’époque et d’autres seulement 150 ans plus tard comme Auriolles et Saint-Alban-sous-Sampzon fusionnées en 1972 (1 M 283).
Alors comment ont-ils fait pour résister « ces petits élus » guère impressionnés par le préfet ?
Après les classiques arguments pour refuser toute fusion que sont les torrents impétueux qui coulent tout le temps, la neige et la glace l’hiver ou encore « la rapidité naturelle du terrain » qui complique les déplacements... Peut-être le meilleur argument revient au maire de Lentillères, un dénommé Dumas.
Délibération du 18 août 1823 de la commune de Lentillères refusant toute fusion de commune (1 M 283).
Dans la délibération d’août 1823, les habitants ainsi privés de leur commune «...deviendraient pour ainsi dire des sauvages livrés à eux-mêmes si on leur ôtait la douce consolation d'avoir au milieu d'eux un maire, un adjoint, des conseillers municipaux, autant d'amis qui par leur bon esprit qui les anime, s'efforcent d'y entretenir la paix, l'union et la bonne intelligence avec les familles…».
Voilà un argument solide qui peut encore voyager jusqu’à nos jours !