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Actualités historiques (pour mieux vivre le confinement)

Le 16/04/2020 Actualités courantes

 

Alors que les prémices de la victoire s’annoncent, l’épidémie de grippe surgit à l’été 1918 dans un département déjà très éprouvé par la guerre.

« Au total, dans le monde entier, la grippe a fait plus de victimes que la guerre. » C’est ainsi que La Croix de l’Ardèche, dans un article du 15 décembre 1918, résume la pandémie de la grippe espagnole. Encore aujourd’hui l’estimation du nombre de morts varie du simple au double, entre 25 et 50 millions. Elle a marqué l’inconscient collectif au point d’incarner l’essence du fléau épidémique, au même titre que la peste. Ce que ce même journal ne manquera pas de souligner à la veille de l’armistice dans un article titré : « Le Vivarais au XIVe siècle, le Vivarais en 1918, la peste et la guerre jadis, la grippe et la guerre aujourd’hui. » Et son auteur anonyme de souligner que les siècles se suivent et, à quelque chose près, se ressemblent.

À la lecture des chiffres et des faits dans les rapports annuels de l’inspecteur départemental de l’hygiène publique présentés au conseil général, on apprend que 229 cas de grippes ont été déclarés en 1918, à comparer au zéro cas de 1917, aux 56 cas de 1919 et seulement aux 15 de 1920. Et l’auteur de souligner en 1918 laconiquement que la grippe a sévi avec intensité dans le département, qu’en 1919 la situation sanitaire « a été des plus satisfaisantes » tout en concédant que la grippe est la maladie qui a fait le plus de victimes sans en donner le chiffre. Aucune prise de parole d’élus sur ce sujet au conseil général n’est relevée.

Les traditionnelles sous-séries des Archives départementales qui pourraient documenter le sujet, les rapports du préfet au Gouvernement de la sous-série 1 M (administration du département) sont hélas lacunaires. Les sous-séries 5 M (santé publique et hygiène) et 6 M (population, affaires économiques et statistiques) ne sont d’aucun secours. Des archives auraient-elles été détruites ? Force est de constater que l’importance de la documentation d’archives est inversement proportionnelle à la gravité de la situation. Un petit dossier dans le fonds de la sous-préfecture de Largentière apporte un éclairage sur le traitement de la grippe en Ardèche. Le préfet est informé de la situation par les sous-préfectures. Elles-mêmes puisent leurs informations auprès des maires, des brigades de gendarmerie et des instituteurs. Les malades et les décès sont recensés sous forme de fiches renseignées bien souvent par l’instituteur, parfois accompagnées d’un rapport sur l’état sanitaire de la commune. Le 14 octobre 1918, l’institutrice Y. Eldin et l’instituteur Pradal signalent qu’à Thines (346 habitants) 40 % de la population serait contaminée et un décès est signalé.

 Lettre de l’institutrice et de l’instituteur de Thines au sous-préfet de Largentière, 14 octobre 1918 (1 Z 358).

À défaut de pouvoir guérir, il faut éviter la propagation en hospitalisant les malades et en limitant les déplacements. Mais les lits déjà accaparés par les blessés de guerre et les difficultés à renforcer les capacités hospitalières rendent l’accueil de malades quasi impossible. À cela s’ajoute la pénurie de médecins. Alors les malades restent chez eux. Le préfet ordonne la fermeture d’écoles et de lieux publics. Cela n’empêche pas les personnes de se déplacer. Le maire de Sablières, en septembre 1918, signale au sous-préfet de Largentière que des habitants de sa commune, embauchés aux Salins et Vignobles du Midi pour la récolte du sel, ont contracté la grippe espagnole. Hommes, femmes et enfants sont rentrés à Sablières malades, ce qui inquiète le maire. Des mesures de désinfection sont préconisées, mais là encore elles butent sur la capacité à mobiliser des moyens matériels et humains. Un rapport du commissaire de police de Privas de décembre 1918, nous apprend qu’il est le chef du poste de désinfection de Privas. Lui-même grippé un temps, il n’a pas ménagé ses efforts avec son équipe pour visiter les malades, désinfecter locaux scolaires, bureaux de poste et autres usines des environs.

Au début de l’épidémie, la presse relate des faits et des chiffres sans être alarmiste comme si ces souffrances ne pouvaient être exprimées alors que l’offensive de la victoire se déroule avec son cortège de morts. Un article en octobre 1918 signale 36 décès à Annonay par semaine au lieu de 7 en temps normal. Le journaliste souligne que le nombre inclut les vieillards, que tous les cas ne sont pas mortels et que le public s’affole trop vite. L’épidémie, après le pic de l’été 1918, perd de son intensité sans totalement disparaître les années suivantes. La presse relaie encore en 1920 les précautions émises par la préfecture : isoler le malade, faire bouillir le linge, se laver les mains, porter un masque, se laver les narines avec de la vaseline additionnée d’antiseptique.

 

 Publicité parue dans Le Journal d’Aubenas, 16 novembre 1918 (PER 64 29).

 

Un encart publicitaire publié dans Le Journal d’Aubenas vante un remède étonnant pour lutter contre la grippe, le vin polyphosphaté qui d’après son promoteur, un pharmacien d’Aubenas, Paul Artige, bientôt élu conseiller général, permet d’éviter, le plus souvent, la maladie et active puissamment la convalescence !

Les journaux ne manquent pas de faire un parallèle entre les combattants des champs de bataille et ceux qui se dévouent auprès des malades au péril de leur vie. Dans une presse qui avant l’armistice se retient de toute polémique, La Croix de l’Ardèche relate avec compassion le décès de Raymond Bourély, officier courageux mort en permission de la grippe. Il est le deuxième fils tué à la guerre du député radical-socialiste Paul Bourély, de surcroît protestant, et par conséquent « ennemi juré » de la presse de droite ardéchoise. Mais la politique n’est jamais loin quand il s’agit d’expliquer les causes de la grippe. Toujours dans La Croix de l’Ardèche, un article du 29 octobre 1918 donne les causes de ce mal : la guerre et les privations qui ont fragilisé les populations : « tant de choses ont pu vicier l’atmosphère ». Mais constatant que le mal frappe diverses parties du globe et que les remèdes échappent aux médecins, il faut se tourner vers « Le Maître de la santé et de la maladie ». Un article du 10 novembre est plus explicite et titre « Vers Dieu… ». Il appelle les catholiques à obtenir par leurs prières la pitié divine, tout en fustigeant les causes de ce fléau comme l’indifférence religieuse dans un état laïc et républicain.

 Article paru dans La Croix de l’Ardèche, 10 novembre 1918 (PER 2 13).

 

À la veille de l’armistice, de tels articles annoncent la reprise de la vie politique suspendue depuis la déclaration de guerre.

 

 

 Déclarations d’épidémies à Valgorge, 1918 (1 Z 358).


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